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30 novembre 2020 1 30 /11 /novembre /2020 14:09

On ramasse des éléments, venus d'ici, venus d'ailleurs. On les assemble. Dans cet assemblage on réunit des influences, des cultures, des terres éloignées. Je pensais aux "poupées Losso" du nord Togo, faites d'os, de bois et de perles, je saluais mes amis, Losso, Kabyè, Kotokoli, Bassar, je pensais à ces deux enfants petits dont le père disparu (Losso) était un de mes amis. Mes mains construisent ces poupées, ni pour copier, ni pour s'approprier, ni pour symboliser des choses que je ne suis pas en mesure de comprendre, juste un clin d’œil complice, un jeu. Juste un moment d'enfance retrouvée.

Jouer : rencontres de poupées métissées

Jouer : rencontres de poupées métissées

les vraies poupées Losso du nord Togo
les vraies poupées Losso du nord Togo

les vraies poupées Losso du nord Togo

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1 juin 2016 3 01 /06 /juin /2016 10:20

Dans l'Altas marocain, perché à 1800m, le village d'Iskatafen s'ouvre sur la vallée verdoyante et heureuse d'Aït Bouguemez

Quelques images glanées aux croisées des chemins : soleil et pluie, sable et verdure, austérité et sourires d'enfants, offrent l'idée d'un bonheur contrasté plus complexe qu'il n'y parait ...

Et à chaque étape le thé est servi aux randonneurs dans les lieux les plus improbables !

pour faire connaissance, ou re-connaissance, avec ce que je nomme :le chant des pierres, cliquer sur le lien :

https://www.youtube.com/watch?v=Cu5tX57Umg4&feature=share

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16 janvier 2016 6 16 /01 /janvier /2016 21:47

3 minutes de film à la volée pour dire des moments chauds qui surgissent comme par magie au cœur de l'hiver... les moments qu'on n'oublie pas, bien au-delà du tremblement des images

successivement :

  • ballade en moto sur la piste de Sarakawa
  • fête des fouets à Pagouda
  • danse Habyè à Saouda Lama
  • pilage du fufu
  • cascade de Bafilo
  • toits de Lomé
  • plage d'Agbodrafo

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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 21:59

je partis, comme toujours alourdie, de valises et de souvenirs inquiets,

non pas du saut dans l'inconnu, mais d'un retour éprouvé qui fait naitre sur la peau une démangeaison sans objet, un fourmillement instable entre le trop connu, et l'impériosité de s'étonner qu'emporte le voyageur

il n'y avait à craindre ni la brûlure des savanes, ni la sinuosité des liens, ni l'étrangeté à laquelle on m'assigne

mais il fallut des jours pour digérer la passivité souillée de la ville incertaine

il fallut fermer les yeux, retrouver les chemins d'odeurs, les sonorités de voix dans la persistance d'un émoi où le corps basculait sans crier gare

il fallut reprendre, reconnaître, ressentir, avec tant de redites que le goût de la route en eût été affadi

il en fut ainsi, entre bouleversement joyeux et profond ennui

ce fut un lourd sommeil traversé d'éclairs zigzaguant que la nuit absorbe au même instant

ce furent des pluies qui ne refroidissaient pas, des vents secs qui s'engouffraient dans les failles

et soudain le bonheur survint, si fort qu'il fit peur, si bref qu'il sécha instantanément, le rire fut un tamtam d'appels et de langueur, les murmures des sorciers devinrent bons enfants

et puis, je revins de tout et voulais être, encore,

dans le souffle d'Harmattan qui fait défaut à notre tête, à notre fête.

restau de nuit (Niamtougou -Togo)

restau de nuit (Niamtougou -Togo)

parc de Sarakawa (Togo)

parc de Sarakawa (Togo)

Les Tatas du pays Tamberma (nord Togo)

Les Tatas du pays Tamberma (nord Togo)

pays tamberma ( nord Togo)

pays tamberma ( nord Togo)

collines au dessus de Defalé ( nord togo)

collines au dessus de Defalé ( nord togo)

cascade à Bafilo ( région centrale -Togo)

cascade à Bafilo ( région centrale -Togo)

plage d'Agbodrafo ( région maritime -Togo)

plage d'Agbodrafo ( région maritime -Togo)

le marché vide (Togo)

le marché vide (Togo)

vaudou et christianisme à Togoville (sud Togo)

vaudou et christianisme à Togoville (sud Togo)

le lac Togo ( région maritime)

le lac Togo ( région maritime)

marché des ignames à Bassar (Togo)

marché des ignames à Bassar (Togo)

pirogues des pêcheur à Aneho (région maritime - Togo)

pirogues des pêcheur à Aneho (région maritime - Togo)

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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 20:17

des gens, des bras, des mains

des mots pour le travail et la douleur

des pleurs

des détours, des ravins, des fouets, des couteaux

des serpents de foule au bord des marigots

kaolin, latérite,

éclats de voix, tourbillons, couleurs

poussière, identité, nous voilà renoués

mais je ne danse pas, je glisse vers la pierre

d'un chaos, d'un fétiche, vers le mystère

moi, je ne danse pas, j'attends

les bras, les mains, les gens

d'autres pieds que les miens

sur la cadence qui s'éloigne

sur mon absence, sur mon silence

ou bien, je n'attends pas, je me retourne,

et c'est déjà fini

la danse Habyè à Saouda Lama (nord Togo)

la danse Habyè à Saouda Lama (nord Togo)

femmes allant au marché de Farendè (nord Togo)

femmes allant au marché de Farendè (nord Togo)

la danse des fouets à Pagouda ( nord Togo)

la danse des fouets à Pagouda ( nord Togo)

danse Habyè à Saouda Lama (nord Togo)

danse Habyè à Saouda Lama (nord Togo)

enfant balayant devant la case ( Pagouda)

enfant balayant devant la case ( Pagouda)

la toilette de Léo - 2 mois - à Kara (Togo)

la toilette de Léo - 2 mois - à Kara (Togo)

Rachid à la faille d'Aledjo (Togo)

Rachid à la faille d'Aledjo (Togo)

la cueillette des noix de coco vertes - lagune d'Aneho (Togo)

la cueillette des noix de coco vertes - lagune d'Aneho (Togo)

tisserand à Agbodrafo (sud Togo)

tisserand à Agbodrafo (sud Togo)

le bissap - Lomé (Togo)

le bissap - Lomé (Togo)

En pirogue pour Togoville (région maritime- sud Togo)

En pirogue pour Togoville (région maritime- sud Togo)

la maison des esclaves à Agbodrafo (sud Togo)

la maison des esclaves à Agbodrafo (sud Togo)

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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 19:12

Dans les montagnes de Kpalimé, les grands Kapokiers sont des pirogues verticales aspirées vers les confins

on y respire la luxuriance d'une Afrique verte et douce démentie par le vol des lents oiseaux noirs en quête de souffrance

les herbes chantent, les criquets se parent de bannières chatoyantes, les feuilles brillantes des "oreilles d'éléphant" se posent au dessus de nos têtes en larges parapluies et le vin de palme coule d'une source abattue en pleine espérance

dans la maison de terre, un peintre saoul laisse avec dédain son caissier percevoir le prix de ses œuvres, comme si la négociation n'avait été qu'un jeu de dupes entre deux ivresses

le soir, on écoute les nuages s'effondrer sur les tôles, c'est l'occupation simple d'un temps étiré où la fraicheur se gagne

je suis déjà venue à Kpalimé, mais la ville de mes souvenirs ne recouvre pas les marques du présent

je m'endors sans savoir où est la vraie Kpalimé : jaune et alourdie de pluie ? bleue pâle sur les murs livides de ses chambres minuscules ? rouge et battante dans le martelage d'un lointain djembé qui tremble d'une fête inachevée ?

au dessus de Kaplimé (Sud Togo) le Mont Kloto
au dessus de Kaplimé (Sud Togo) le Mont Kloto
au dessus de Kaplimé (Sud Togo) le Mont Kloto
au dessus de Kaplimé (Sud Togo) le Mont Kloto
au dessus de Kaplimé (Sud Togo) le Mont Kloto
au dessus de Kaplimé (Sud Togo) le Mont Kloto

au dessus de Kaplimé (Sud Togo) le Mont Kloto

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29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 17:18

à la force des bras, deux heures durant, ils tirent le filet plus lourd que le poisson, plus long que la plage, plus traitre que les vagues

ils chantent ensemble, pour une pièce, ou pour rien du tout

et quelquefois reviennent avec de tout petits poissons, que les femmes font sécher au soleil

♦  pêcheurs de Lomé
♦  pêcheurs de Lomé
♦  pêcheurs de Lomé
♦  pêcheurs de Lomé

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 11:13

ou alors

revenir et tomber

dans ce puits de mémoire

où tout d'abord, on n'a rien vu

s'éveiller ou se rendormir, lequel des deux ?

associer, dissocier, repartir

le jour n'est pas encore levé

il faudrait, doucement, se retourner

laisser les talons à la mesure des routes

les regards à la mesure des arbres

laisser la peau à la mesure de ses brûlures

on ne sait plus quels sont les mots

on oublie pour un temps qu'il fut un autre temps

on s'attarde, on se retarde, on se perd, on se reprend

il reste un peu de terre rouge incrustée dans les semelles

elle parle, et puis se tait

le taxi moto

le taxi moto

dans le taxi brousse

dans le taxi brousse

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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 09:20
♦ Farboukpawa

personne n'écrira ton nom dont je me souvenais à grand peine

je ne serai pas là pour jeter sur ton linceul une poignée de la terre rouge de Sarakawa

l'étoile noire sur ta tête a rattrapé le malheur, jusqu'à te briser le cœur en plein milieu du jeu, en plein milieu du jour

tu étais l'ami dans les ténèbres lointaines et la rage des lendemains qui ne chantent jamais

mais aussi, tu étais le grand rire, la haute taille et les mots faits pour porter une espérance fantomatique et toujours reculée

jusqu'à ce que tu tombes, et que la paix tombe avec toi, qu'elle t'enveloppe et te couche en douceur sur le temps désormais sans inquiétudes

dans ta maison de sable et d'enfants, il ne reste que la trace d'un envol attendu

qu'un ciel trop haut pour toi et toujours refusé

tu étais Franck du Togo

merci

pour l'hospitalité

dans la petite maison de Kara sud pour le repas du soir

dans la petite maison de Kara sud pour le repas du soir

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 20:14

le temps et le moment s'éloignent, mais au bord de cette exigence hivernale

je retiens un sourire, quelques images et le partage d'une douceur où je me perds

l'éloignement n'est pas seulement géographique, il est bardé de mots qu'on n'entend pas

qu'on ne veut pas entendre, ou qu'on ne sait pas déchiffrer, parce qu'ils nous transpercent

de leur étrangeté

 

les photos ne parleront pas à celui qui se bouche les oreilles,

les sens grands ouverts suffiront ils à palper l'horizon ?

c'est toujours trop loin,

toujours là bas,

et puis ça ne fait rien puisque je n'y suis pas

 

(toutes mes images Togo2012)

karasud10

 

et enfin, voici quelques mots

des mots cousus qu'on voudrait ignorer

mais que j'écoute pour contrer la nuit glaciale,

et garder la chaleur du monde sans voix

pour le temps qui ne repassera pas,

pour l'amitié

 

mots contradictoires de celui qui croit encore qu'une richesse d'ailleurs ferait son bonheur et de celui qui a vu qu'elle n'était pas ici. Et le bonheur non plus !

 

lettre de X... émigré en Amérique du Nord depuis octobre 2012

 

...Comme je le disais chaque  jour est une lutte pour moi ici ...on court tout le temps pour travailler, payer le loyer, le manger, les impôts et autres. Bref c'est l'enfer. Je travaille sur appel car il y a une baisse d'activité... je me sens seul, j'ai même envie d'avoir une relation pour diminuer ma solitude. Ici je vois vraiment l'importance d'être à deux. Je ne peux pas trouver facilement une fille, chacun est dans son coin même dans le métro chacun se renferme dans sa bulle avec toujours les écouteurs à l'oreille. Je meurs de solitude et tout le reste. Ici je dois diluer mes principes pour m'adapter a cet environnement solitaire qui me ronge comme un cancer. Je vis sans vie...
Je reste confiant malgré les difficultés car je veux réussir afin de revenir aider mes frères africains. Le paradis c'est en Afrique. J'ai commencer à leur témoigner de cette réalité mais ils ne veulent pas me croire, car pour eux c'est comme si je ne voulais pas qu'ils viennent ici. Ils ont raison : quand on est en Afrique, on a toujours de ces idées. Comment peux tu prouver à un mendiant que tu n'as pas d'argent à lui donner tant que tu as les poings fermés?

lettre De Y... reçue cet été 

Je rêve de partir un jour en guerre contre mon pays. Je suis profondément blessé, déchiré par la haine et la vengeance. Je ne comprends pas un pays si petit qui ne peut pas bénéficier de ses potentiels. Je suis dans un monde où tout est question de moyens. On ne peut pas être heureux au mois une fois avant de rendre l'âme. Je vois les gens mourir devant moi faute des moyens que le pays devrait octroyer à tout le monde, mais les autorités préfèrent se satisfaire eux mêmes, et si nous on est fatigués de lutter sur des lits d'hôpital, ils disent que ce n'est pas de leur faute... J'ai perdu ma petite soeur à cause d'un manque de moyens et de suivi, elle est partie et je n'ai rien pu faire pour elle. 
Si un jour tu apprenais que je deviens violent, ne sois pas étonné car je pense mieux vivre ainsi, que mourir si tôt pour une bêtise. J'ai perdu le sens de vivre sans espoir. Pourquoi ce monde n'accepte pas les pauvres ? Certains bénéficient de tout, et toi tu te contentes de rêver...

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19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 14:24

C'était il y a tout juste un mois.

Un ami de kara sud me dit que des bénévoles d'une association qui gèrent un centre d'apprentissage souhaitent me rencontrer et me faire visiter le site.

Sur le coup j'avoue, j'ai très envie de dire non, je sais qu'ils me demanderont, probablement, une aide, que je serai obligée de leur refuser. Je me sens, comme parfois, soumise à trop de demandes, de nécessités impérieuses, confrontée à trop de misère, sollicitée par trop de gens qui croient que le fait d'être français ouvre les vannes d'une inépuisable corne d'abondance. J'en ai déjà parlé, ce dont certains m'ont fait reproche. Et c'est pourtant tellement récurrent qu'on ne peut faire comme si cela était un problème réglé. Car dire non n'est jamais facile, et moins encore dans ces circonstances. On doit dire oui aux amis de nos amis, on doit se comporter en hôte aimable et attentif, c'est le moins qu'on puisse faire lorsqu'on est accueillie à bras ouverts ! 

De très bon matin, me voilà donc invitée à prendre place sur une moto (chinoise et bon marché, comme partout au Togo, c'est à dire qu'il ne faut pas compter sur la suspension pour amortir les cahots de la route à la place du passager). L'ami Franck embarque derrière la seconde moto et nous voilà partis vers Kpanganzibiyo !

Déjà vingt kilomètres de route... que nous quittons au bout d'une bonne demi heure pour un chemin de traverse vers notre destination. N'eût été l'état de la piste, c'est une balade enchanteresse dans la brousse sauvage, ses paysages de minuscules villages, de champs bien ordonnés, de petits marigots, de collines pierreuses. Mais la chaleur monte et la moto geint entre les ornières et les cailloux. J'ai le dos en vrac. Je suis d'assez mauvaise humeur pour tout dire ... 

Bientôt on aperçoit le centre, quelques bâtisses apparemment toutes neuves adossées à une nième colline. Un coup de téléphone annonce notre arrivée (l'usage du portable est universellement répandu en Afrique.)


Kpanganzibiyo02

 

Une centaine de personnes au moins attend notre venue : chefs de village en tenue number one, musiciens traditionnels, alignement des professeurs du centre en blouse bleue, apprenties couturières en uniforme, garçons qui chantent à pleine voix et dansent pour faire honneur aux arrivants.


 Kpanganzibiyo06


Stupéfaction ! Et gêne maximum... Ma mauvaise humeur fond au soleil de cet accueil ministériel, mais je suis très embêtée de ne savoir comment y répondre. La cérémonie enchaine les chants, danses, discours divers et souhaits de bienvenue, ce qui accroit encore mon malaise.

Pour finir je suis invitée à donner des "conseils aux apprenants". Que vais je bien pouvoir leur dire ?

 Je me fends d'un éloge vibrant du travail manuel traduit en Kabyè par le président de l'association , et je termine, non sans malice, sur une citation de la constitution française (après tout je suis ce que je suis ...) qui se réfère à l'égalité de naissance et de droits. Ainsi conclué-je, une couturière est l'égale d'un ministre, un paysan l'égal d'un militaire et un forgeron l'égal d'un informaticien.

Je ne perds pas mon temps à expliquer qu'en France aussi ces beaux principes sont rarement traduits dans la réalité des faits, et je ne suis pas sûre que cela soit absolument parlant dans la société patriarcale, mais mes hôtes ont l'extrême délicatesse de ne pas le faire remarquer.

 

Kpanganzibiyo05


S'en suit une visite des lieux, tout neufs effectivement, mais totalement sous équipés : pas d'électricité bien sûr dans ce lointain canton, trois scies dépareillées pour l'atelier de menuiserie, des machines à coudre mais pas de tissus dans les réserves des couturières, et tout à l'avenant. Je suis touchée et émue par tant de gentillesse gratuite - après tout j'arrive les mains vides - et tant de difficultés visibles et de dénuement...

L'ensemble des festivités se termine par une allocution que je dois prononcer, face aux encadrants cette fois. Que leur dire ? "je parlerai de vous à des amis de France plus compétents que moi dans le domaine de l'apprentissage, en espérant récolter quelques outils". C'est tout ce qu'ils me demandent.

C'est tout ce que je peux faire.


Kpanganzibiyo07

Ma confusion arrive à son comble lorsqu'on m'amène à manger, seule à table devant toute l'assemblée (moi qui picore généralement comme un oiseau), une assiette de Fùfù (pâte d'igname pilé), plus sauce, viande, eau de source et coca !  Obligée de faire honneur au festin tandis qu'on guette ma réacton. J'adore le fùfù mais je prétexte un dérangement intestinal (pas tout à fait faux) pour ne pas avoir à m'enquiller tout le plat.


Le point d'orgue de cette matinée décoiffante et de tout ce cérémonial consiste en une remise de cadeaux à la yovo éberluée, à savoir trois ignames de bonne taille et une poule vivante qu'on fera porter jusque chez moi à la première heure !

 

Kpanganzibiyo08



C'est à la fois gai, émouvant et triste. Cette réception envers une étrangère dont ils ignorent tout, le mal qu'ils se sont donné pour ce chaleureux accueil et l'espérance que cela suscite, ne peuvent que nous interroger sur ce que représente aux yeux de gens dévoués et courageux la seule présence d'une blanche à leur table. J'en ai un peu honte, comme toujours, et en même temps je me réjouis de cette vitalité et de cette combativité. Même si l'espérance n'est pas justement placée, elle est le signe d'un futur que tous ont envie de construire et d'améliorer, avec notre aide sincère. C'est à dire sans les faux semblants d'un certain type d'aide humanitaire, soit méprisant, soit inutile, qui génère souvent plus de problèmes que de solutions. 

 

De retour à Lomé le lendemain, un conducteur de zem me fait la conversation en zigzagant dans les ravines : "ah madame, alors, il parait que c'est le paradis chez vous ?"

Tout est dit !

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12 décembre 2012 3 12 /12 /décembre /2012 14:50

Il s'appelle Kofi, il a 17 ans, il vit à Kara sud dans un petit bout de ville entouré de savane et de champs qui ressemble à un village. A l'ouest : la rivière, à l'est la station routière, et la grande route qui traverse le Togo du Nord au Sud.

Le paysage est planté mais c'est de la vie de Kofi dont je voudrais parler...

Il n'a pas la dégaine pitoyable des enfants de la guerre qui vivent dans les camps, il n'a pas l'air de vous aborder avec le poids de la misère écrit sur son visage. Il vit comme des millions d'adolescents de tous les pays dont la voie de développement est une voie de garage, dignement et sans cris, mais quel espoir réel a-t-il de vivre des jours meilleurs? Il ne sait pas. Il attend. Il rêve d'ailleurs.

Kofi va au lycée, comme les gamins de France : c'est sa chance, même mince, d'espérer une autre vie. Classe de première : français, mathématiques, SVT, anglais, etc. enfin, comme tous ceux d'ici, oui vraiment ? Dans une classe de 80 élèves sous une tôle écrasée de soleil, sans ordinateur et sans manuels scolaires, mais quelle chance, s'il peut étudier..

 

A cinq heures, les muezzin des petites mosquées toutes proches donnent le signal du lever, accompagnés de coqs qui s'égosillent dans le matin. Kofi n'est pas musulman, mais ici tout le monde se lève avec le jour. Il y a tant à faire avant l'école : balayer la cour, aller chercher l'eau, bassine de 35 litres sur la tête (comptez ! ça fait 35 kgs),  nourrir les poules, puis faire sa toilette entre quatre tôles et revêtir le fameux "kaki", uniforme de tous les élèves de l'Afrique. S'il ne reste rien à manger de la veille, la maman donne 50 ou 100 frsCFA (10 ou 20 cents d'euros) pour acheter une gamelle de riz et de haricots au bord de la route. D'autres avalent beignets sucrés pimentés et bouillie de maïs. Enfin, il faut bien se caler le ventre jusqu'au midi, sous la chaleur étouffante des classes surchargées où il ne fera pas bon somnoler car personne ne vous aidera à rattraper le cours ... encore heureux si le professeur ne manque pas à l'appel, poussé jusqu'au village par une cérémonie familiale, ou terrassé par une crise de palu, ou tout simplement mécontent de son salaire impayé depuis des mois.

 

karasud15

Kofi prépare la pâte


A midi les enfants de la maison se retrouvent dans la petite cour, où il ne faut pas tarder à allumer le feu, préparer la sauce ou écraser la farine pour faire cuire les boules de pâte collante qui sont la base quasi exclusive de l'alimentation. La famille, ce sont huit ou dix personnes qui vivent ensemble, dont je ne sais pas toujours décrypter les liens exacts de parenté. La maman n'est la vraie mère que d'un seul enfant. Les autres ont, ou n'ont plus, leurs vrais parents, qui participent, ou non, au budget commun, tous ont été recueillis, ou déposés ici, frères et soeurs de familles dix fois recomposées, dont les maisons africaines sont depuis longtemps l'archétype.

Réviser les devoirs, trier les haricots, laver le linge... entre midi et 15h, en pleine heure chaude, les activités ne manquent pas. Kofi a laissé le kaki dans la chambre qu'il partage avec trois autres "frères" pour ne pas le salir. De toute façon on vit dehors, la chambre c'est juste quelques matelas ou nattes pour la nuit.

Dans la cour minuscule, les jeunes parlent "Losso", une des quarante langues vernaculaires du Togo. Ici, chacun connaït plusieurs langages, le français parmi d'autres est une langue officielle, celle de l'école et de l'administration qu'on parle seulement en temps "utile". Chacun est dévoué à sa famille, d'abord, puis à son village et enfin à son ethnie. Cela ne signifie pas qu'il existe partout des violences inter-ethniques, mais un enfant africain bien élevé connaît toujours ses racines, dont il se doit d'être fier, et voue une fidélité sans faille à ses proches ... C'est ainsi !

 

karasud08

les haricots sèchent dans la cour après la récolte dans un champ voisin

 

Une bonne douche froide, au seau, puis le retour au lycée se fait jusqu'à la nuit qui tombe très vite, vers 17h30, malgré la chaleur encore vive.

Le soir, tout est à recommencer : l'eau, le bois, le feu, la cuisson de la sauce, la préparation de la pâte avec quelques instruments rudimentaires que tous, garçons et filles savent utiliser dès le plus jeune âge : la pierre pour écraser les feuilles ou les arachides, la cuillère de bois, le mortier pour piler l'igname, les couteaux qui servent à tout faire, le foyer de fer où l'on économise le bois... Depuis deux ans Kofi a l'électricité dans sa cour, un néon qui dispense une lumière blafarde. Il y a peu encore, les lycéens allaient faire leurs devoirs au bord de la route, cahiers éclairés par les lumières vives de la station service.


karasud02

les devoirs d'école auprès du foyer


Sur le mur de la petite maison le frère a peint une sorte de tableau noir où les jeunes planchent sur leurs exercices avec de la craie. Le soir est consacré aux devoirs, au repas, à quelques tâches inévitables, sous le harcèlement des moustiques qui sont vecteurs du plus grand fléau sanitaire de la planète, à savoir le paludisme. Quand on n'a pas d'argent d'avance, on se soigne avec des écorces et des remèdes traditionnels. Si la maman ou le grand frère ont  réussi à mettre un ou deux billets de coté, on ira à l'hôpital acheter quelques médicaments d'urgence.

La vie semble s'écouler paisiblement, toujours identique et simple...

C'est sans compter avec tout ce qui ne se voit pas : l'absence de perspective d'avenir, le manque de liberté de parole, les dégats sanitaires causés par les eaux sales et les parasitoses, sans parler du SIDA  qui touche toutes les familles, même si cela ne se dit pas.

C'est la vie de Kofi, un adolescent comme des millions d'autres de par le monde.

Bien loin de nous. Et si proche !

 

karasud17

on prend la douche trois fois par jour, même s'il faut chercher l'eau à 500m... la "toilette", c'est dans le champ de mil derrière la maison

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