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10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 19:21

Kara a-t-elle changé ? Dans les apparences, un peu : nouvelles constructions, électricité, routes améliorées, etc.
Mais le fond des soucis reste chevillé au coeur de la population : exploitation éhontée de ceux qui parviennent péniblement à trouver un peu de boulot, détresse des sans ressources dont l'obsession journalière est de trouver à manger pour eux, pour leur famille, et vision insupportable de tous ces enfants trop petits qui travaillent au delà de leurs forces, qui dorment n'importe où, abandonnés, en attente d'une maman ou d'une grande soeur parti chercher la subsistance, y compris par les moyens les plus scabreux ! On dirait du Zola, n'est ce pas ?
C'est donc ce contraste qui choque énormément entre un modernisme de surface qui semble à portée de main, et la condition de ceux qui subissent et se taisent le plus souvent.

A ce point de ma réflexion, je sais que j'ai changé moi aussi.
J'avais quitté Kara il y a 4 ans avec un peu de regret, voire de fatigue, mais encore la faible satisfaction d'avoir, comme on dit, apporté une pierre à l'édifice. Il est vrai que les jeunes "chiens fous" qui composaient notre groupe de travail et d'amitié, ont eux aussi évolué. Des personnalités s'affirment, des volontés s'accomplissent, des chemins différents se dessinent, et je ne nie pas, humblement, d'avoir peut être contribué, du moins me le disent-ils, à semer quelques cailloux sur le chantier de leur possible.

Mais en revanche, je crois de moins en moins à notre capacité réelle d'intervention : on remplit une baignoire avec un compte goutte, mais le fond de la bassine est toujours en fuite. Comment ne pas regarder en face ce fait aussi indéniable que désespérant ? Il n'y a pas de solutions, mais seulement du brouillard qui masque la vérité nue des évidences.
Les problèmes de développement, comme ceux de l'écologie, auxquels nous sommes si sensibles en Occident, ne pourront se résoudre isolément. C'est de solutions économico-politiques entièrement neuves et peut être radicales, que peut venir le changement attendu, espéré, et chaque fois dénié par des puissances d'argent, d'exploitation, de corruption, de profit, et de mépris de l'humain.
Et comme on n'a guère de chance de pouvoir rapidement sonder le fond des reins et des coeurs, on est bien obligés de redire, comme René Dumont le prophétisait déjà il y a 50 ans: "l'Afrique noire est mal partie".
Si ce n'est aux africains eux mêmes, avec leur génie propre, leurs richesses considérables, humaines et naturelles, de mettre en route le vrai "départ" de la dignité retrouvée.

J'ai adoré ce voyage, j'ai aimé cette ville, j'ai constaté ces richesses, j'ai pleuré et admiré, mais je ne suis qu'impuissance même!
Bien entendu je partirai les poches vides parce que le peu que tu peux faire, si tu ne le fais pas tu n'es pas toi même digne de ta condition, mais comment et pourquoi revenir encore, je n'en sais rien.

Pour cette navrante histoire de visa Burkinabé, je dois aller jusqu'à Lomé, où je me ferai encore arracher 40000CFA (60 €), sous les commentaires ironiques de l'employé d'ambassade; "vous vous êtes fait avoir!". Merci bien, mais qu'y pouvais-je ? Et si moi, je n'y peux rien, qu'y peut le moindre habitant du continent en proie à ces pratiques scandaleuses ?


plagedeLome


Le voyage à Lomé sera l'occasion d'un nouvel épisode assez burlesque que je n'empilerai pas sur la liste des anecdotes déjà évoquées. Chacun sait que la meilleure histoire est celle qui finit sur un peu d'incertitude et d'ouverture aux questions sans réponses.
Je vous laisse tout imaginer !


Pour finir, un mot à dire de ce moyen de transport que j’adore et qui s’appelle « taxi-moto », ou « Zed » et qui n’existe qu’au Togo ou au Bénin (parmi les pays que je connais tout au moins).

Il faut avoir traversé la brousse, la ville, les avenues inondées de Lomé, ou les montagnes escarpées de Niamtougou vers Kanté, calée derrière un conducteur hilare, sans casque, qui emprunte vos lunettes de soleil pour éviter les moucherons, qui trouve le moyen de vous faire la conversation par n’importe quel temps, qui ne vous lâche pas sous la pluie la plus torrentielle, qui met un point d’honneur à ne jamais poser le pied à terre, quelle que soit la rudesse du trajet, qui s’approvisionne en essence de contrebande et fait jaillir de son pot d’échappement une fumée blanche qui agresse les yeux, il faut avoir senti l’odeur de l’Afrique sur la latérite en poussière ou le goudron en loques, pour comprendre, aimer, sentir au plus profond de soi ce qu’est, en dépit de toute vantardise, de toute impossibilité, de tout danger, l’hymne à une liberté toute jubilatoire que l’Afrique  suscite en nous.


Je rejoins l'Océan que j'avais quitté depuis Dakar, et cette nouvelle boucle est elle aussi, bouclée dans l'espace déjà distant d'une chevelure de mémoire échappée de ma tête.
Tout finit comme cela a commencé, à la mer qui avale couleurs, odeurs, images et le goût même des épices étranges.

Ne reste que l'amour dans les yeux des enfants.
Et l'attente. Et l'attente.

 

Et puis dix jours plus tard je retourne à Ouaga prendre un avion pour la France

je la retrouve comme toujours vivante, avenante, mais suis peut être fatiguée… Un garçon à qui je refuse la « conversation » me crie dans la rue : « en Afrique, on doit parler ». J’ai beaucoup parlé durant 5 semaines, beaucoup écouté, beaucoup partagé et passé des moments sans pareil … mais je n’admets toujours pas qu’on m’oblige, parce que blanche, à être en constante disponibilité.

Je me sens vieille tout à coup face à la pétulance de cette jeunesse, j’ai envie de silence et de solitude.

Souffrant pourtant que le retour ne m’offre que la vacuité métallique de Roissy où ma couleur blanche, une fois de plus, est une injure à ce qui doit être, à l’image de mon  boubou informe et froissé, après la nuit sans dormir à attendre un vol « peut-être » .

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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 15:29

 

Je croyais avoir accompli le plus dur de ma route en arrivant à Bamako. On m'avait dit que des bus direct font en 36 heures le voyage jusqu'à Lomé et que je n'aurais qu'à m'arrêter en route pour rejoindre ma destination finale (Kara est à 450 kms au nord de Lomé, je devais donc obligatoirement y passer).

C'eût été trop facile, et presque trivial, d'imaginer une telle aisance dans l'accomplissement du voyage qui est, comme chacun sait une sorte d'initation à des forces qui nous dépassent !

Ma journée à Bamako ne me laisse pas un grand souvenir. J'ai été passablement harcelée par un guide mi touareg, mi bambara qui tenait absolument à me faire acheter ceci, traverser cela, emprunter telle pirogue, visiter tel marché, parfois on se demande si certains comprennent le sens du mot "NON". Je dis cela parce que j'étais fatiguée, en d'autres temps peut être je me serais laisser charmer par sa conversation, intéressante au demeurant, je lui ai laissé me raconter sa vie, forcément triste et misérable, mais qu'y faire ? arrivée au bord du fleuve Niger, j'avais une telle envie de paix et de silence que je lui ai enjoint de me laisser seule, non sans lui avoir remis un billet pour régler une minuscule part de ses innombrables problèmes. Ce besoin de solitude est totalement incompris de la plupart des africains, ils doivent nous prendre alors pour des martiens, mais parfois on est prêt à tout, même à acheter cette marchandise rarissime qu'est la tranquillité. Et, comme je le dis toujours, ça rentre dans le PIB !

Je partage un moment de folie collective le soir, devant le match Ghana-Uruguay. Enthousiasme douché au final par une défaite qui prend des couleurs de tragédie pour le foot africain tout entier!

Le lendemain, il pleut. Je passe sur les détails de mon arrivée en moto au moment où le déluge se déverse sur la gare routière. Ce qui est clair par contre, c'est que le billet qu'on m'a vendu n'est pas le bon, que le bus ne va pas au Togo mais à Cotonou au Bénin, etc.etc... toutes ces tractations et discussions se faisant sous la pluie battante. De guerre lasse, je dis à mes accompagnateurs : "c'est bon, je prends ce bus, je descendrai à Djuigou au Bénin qui est proche de la frontière au niveau de Kara, et ça va bien, merci".
On me trouve un siège, pas prévu, à l'avant du bus, là où normalement se placent les apprentis, et tout semble rentrer dans l'ordre.

C'est encore une fois sans compter avec la vocation de kapo (le mot est à peine trop fort) du  placier, ou je ne sais qui ou quoi, qui organise le départ. Il vocifère et aboie sur femmes, enfants, vieillards et tous les voyageurs pour les faire gicler hors du car. Il s'agit de faire"l'appel" afin de vérifier que nul n'essaye d'arnaquer la compagnie. Nous nous serrons, transis de froid et d'humidité sous un précaire abri de tôle, puis on nous enjoint de nous rapprocher de l'entrée du bus (donc à nouveau exposés à la pluie qui ne cesse pas, les pieds dans la boue jusqu'aux chevilles).
Les noms de chacun sont hurlés avec une violence que n'importe qui au monde ne parlant pas la langue est en mesure de comprendre : celle du mépris absolu pour toute souffrance et toute forme de respect. Certains penseront que j'exagère. Mais non ! Quelques voyageurs tentent quelques protestations, sachant toutefois que ce comportement est habituel et donc immuable.
Nous voici donc, trempés et serrés comme des sardines en boite : on rajoute même dans l'allée centrale de petits tabourets de bois qui font office de strapontins, et là encore gare à celui qui proteste ou tente d'obtenir une place décente eu égard au prix qu'il a payé (30000FCFA) pour rejoindre sa destination. Bienheureux sois tu, déjà, que le chauffeur daigne t'amener au bout du voyage, si "dieu le veut"!

 

P1010201 

 

Une fois ces péripéties bouclées, et après avoir inexplicablement fait trois arrêts dans trois gares routières (alors que le bus ne prend plus de voyageurs) on décolle enfin de Bamako sur le coup de 10h30 - ayant été convoqués à 7h !
La belle route alterne avec la piste rouge (non goudronnée), la brousse est verdoyante, le ravitaillement vient à nous à chaque arrêt (eau fraiche, fruits, pain, brochettes, gateries etc...), la pluie a cessé mais le temps est un peu frais, idéal pour voyager, bref, tout baigne jusqu'à 18H.
Ceux qui me lisent doivent penser que je suis masochiste, tant il est évident que le pire peut arriver, mais comme toujours, les moments de grâce et de beauté sont si forts qu'ils font oublier tout le reste. Un récit se nourrit d'abord d'évènements et de malheurs, car chacun sait que les moments heureux ne font pas une histoire.

C'est donc au moment où nous franchissons la frontière du Burkina que les choses se gâtent sérieusement pour moi. J'ai dit déjà que je n'avais pas pris les visas en France, mais généralement, ça se négocie facilement à la frontière où l'on paye même parfois moins cher qu'en passant par les ambassades. J'ai donné 15000CFA pour entrer au Mali (22€) et je m'attends à la même chose pour entrer au Burkina; connaissant déjà ce pays, je n'ai jamais eu de problèmes lors de mes précédentes entrées.


Avec un air un peu gêné, le douanier m'annonce que depuis le 1er juillet (je rappelle que nous sommes le 3), le prix du visa pour les étrangers, hors union africaine, est passé à 94000 CFA ( 150€). Tout d'abord j'en reste sans voix, puis cherche à discuter, pensant qu'il essaye de m'arnaquer, mais dans le poste de douane, d'autres hommes en uniformes, de plus en plus mal à l'aise, me disent que c'est la loi, voici le texte du décret, que depuis deux jours ils sont en butte à l'hostilité des ressortissants ainsi taxés, qu'ils feront un rapport, mais que si je ne paye pas je retourne à Bamako. De plus on me dit je devrais faire valider ce visa provisoire à Ouaga, ou à l'ambassade du Burkina à Lomé. Je rappelle qu'on est samedi soir, que je ne vais pas rester deux jours à Ouaga en attendant que le service de l'immigration veuille me recevoir, que j'ai payé mon voyage et tout, tout, tout.

Je ne sais si c'est la fatigue accumulée, ou l'impression qu'on me prend pour une éternelle vache à lait, mais je fonds en larmes devant l'officier de police, lui même très embêté. Je lui explique en reniflant que je comprends bien qu'ils veuillent appliquer des mesures de rétorsion pour signifier que si les africains sont indésirables en Europe, ils rendront oeil pour oeil et dent pour dent, mais que le Burkina est un pays touristique où les visiteurs européens laissent pas mal d'argent, que pour ma part je viens dans la région pour donner quelque chose depuis des années, et que ce n'est pas juste... bref, je suis à la limite de ma résistance.


Mais je paye. Que faire d'autre? Mes compagnons de voyage me consolent gentiment. Un garçon me dit que pour sa part il a passé 15 jours au centre de rétention à Roissy avant d'être ramené manu militari au Mali. J'ai presque honte de ma faiblesse, mais trop c'est trop.
Car je maintiens que ce n'est pas tant l'argent qu'on nous prend qui nous gêne (150€ , ce n'est pas la mer à boire) mais l'usage qui en sera fait. La France donne des fonds pour le développement avec nos impôts, on me taxe à la frontière de façon brutale, et je sais parfaitement que la population ne verra jamais un centime de ce fric qui sert des politiques corruptrices et des intérêts particuliers. Je ne dis pas cela aux douaniers qui le prendraient évidemment avec malveillance, et me créeraient beaucoup d'ennuis, mais c'est la vérité !

Fin de l'épisode. La nuit tombe, chaque voyageur déroule son tapis de prière, le crépuscule s'enflamme et je fume deux cigarettes en retrouvant le calme et la beauté du soir.

 

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La traversée du Burkina prendra toute la nuit, sans autres incidents que des crampes dues au mauvais sommeil. On me débarque à Koupela vers 6h du matin. Je ne veux plus passer par le Bénin, ne me sentant pas capable de subir l'épreuve d'une frontière supplémentaire.
Mais de Koupela, je peux gagner rapidement Cinkassé (à 180kms), où je me prépare à affronter la douane togolaise.
Curieusement, cette partie du voyage se déroule (deux taxis successifs quand même) avec souplesse et presque gentillesse de la part du chauffeur entre Bitou et le Togo, qui nous parle avec égard, et n'attend pas que le Toyota soit plein à craquer pour rejoindre sa destination. Les douaniers togolais se montrent également compréhensifs, polis, rapides et économiques (10000CFA), j'aurai juste la nécessité de passer au commissariat de Kara pour prolonger l'autorisation de séjour.
Il est dix heures trente et je suis au Togo !

Ne pas croire pour autant qu'on touche au but, même lorsqu'on n'en a jamais été si proche. Le minibus 15 places qui doit rallier Kara, ne sera finalement plein qu'à 18h, on ne part pas tant qu'il reste une seule place. C'est la loi de la route ! Le temps de charger deux motos chinoises en pièces détachées, trois ballots de pagnes, quatre matelas de mousse, cinq vélos en vrac ... et ... et nos 16 voyageurs, il sera 19h.
Le chauffeur roule comme un fou, pour rattrapper le temps perdu par d'innombrables arrêts auxquels il ne donne, comme de juste, aucune explication. Je somnole, mais j'ai la trouille par moments lorsque des feux devant nous se rapprochent dangereusement, ou qu'on se met à slalomer à 80 à l'heure entre des trous de 30 cm de profondeur. Je suis placée devant et je note donc que cette conduite est motivée par le fait qu'il ne peut pas passer la quatrième, il oscille donc entre la troisième et la cinquième, faisant tantôt rugir le moteur à la limite du point de rupture, tantôt essayant de garder sa vitesse pour ne pas avoir à rétrograder. Mieux vaut sans doute ne rien savoir de cet état de fait, comme les voyageurs qui dorment paisiblement à l'arrière, avec la confiance béate des ignorants.

On va s'imaginer que j'ai une rancune particulière contre les taximen. Je ne méconnais pas l'extrême difficulté de leur travail, mais pourquoi tant d'arrogance, c'est ce que je ne peux toujours pas m'expliquer. Le Seigneur de la route conduit son troupeau de brebis à l'abattoir et ne tolère pas le moindre bêlement. C'est comme ça.

A minuit et demi dans la nuit du dimanche au lundi, je débarque à Kara, que je retrouve telle qu'en elle même, comme si rien n'avait changé en 4 ans...?




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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 15:22

Toutes les images du voyage en train : KAYES BAMAKO

le brassage des eaux profondes fait remonter le temps
que les puits d'ombres ont avalé
bouger bouger
et ne pas se demander si être
c'est être quelque part
ou être de quelque part
ou être quelque chose
ou quelqu'un
mais cadencer le mouvement mécanique
talon après talon
roue après roue
qui ne se posent jamais

celui qui marche n'a pas mal
seule l'immobilité révèle douleurs et raideurs
et l'on cherche à rattrapper sans lassitude
ce qui fuit au delà
où le matin est sans cesse assuré
sur l'horizon d'un soleil de glace
que l'on sait impossible
et qui pourtant nous illumine

je marche et cours en vie
parce que la mort s'ouvre au bout
celui qui ne court plus
est déjà touché au coeur
du jour qui ne se relèvera pas

j'ai fait la traversée nocturne
d'un rêve qui ressemblait trait pour trait
nuage pour nuage
au ciel pesant de Bamako
la noirceur au dessus
mais tout autour, lointaine
vacillait l'espérance ourlée de lueurs blanches

c'est vers elles que je cours
heureuse, délivrée par avance
le ciel noir n'est qu'un leurre au dessus de nos têtes
vivre n'est alors que ça
apprivoiser l'orage
que la mort nous rappelle en jubilant
être soi même le mouvement

 

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6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 18:32

Ai-je été médisante, ou pessimiste ? le lendemain en venant prendre mon billet vers 6h30, j'ai  la surprise d'avoir une réservation et une place numérotée où l'on peut allonger très confortablement ses pieds, le personnel "de bord" est charmant, les voyageurs se mettent en place de façon relativement disciplinée munis de tout ce qu'il faut comme provisions de bouche, thermos remplies d'eau glacée, et matériels hétéroclites dignes d'une expédition transaharienne.
Et miraculeusement le train part à 7 heures 15 pétantes.

C'est une vraie jubilation d'être là, de traverser des paysages sublimes ponctués de baobabs majestueux, ou d'acacias odorants chargés de fleurs jaunes. Défilent successivement de longues étendues plates et rouges, puis des montagnes de grès au sommet tabulaire façon "Colorado", des petites gares investies d'enfants rieurs, des rivières enjambées par des ponts de fer, ou des villages de terre d'où sortent en courant cent petites vendeuses de tout ce que la région offre comme nourriture.
Ma voisine s'appelle Bintou, mais elle ne parle pas un mot de français... bon ! Au fil des nombreuses étapes cependant des conversations se lient.
Avec celui-ci, jeune ingénieur camerounais travaillant pour la compagnie ferroviaire "transrail" qui m'explique que le chemin de fer a été cédé par le gouvernement malien à un privé, dont l'intérêt et les bénéfices proviennent essentiellement du transport de marchandises. J'aurais plus tard l'occasion de constater à quel point le sort des voyageurs est effectivment le dernier souci de la dite compagnie.
Avec ceux-là, jeunes éudiants qui mènent activement des discussions politiques et s'indignent des agissements du gouvernement malien. Je peux croire que tout ce qu'ils disent est parfaitement vrai, cependant, si je fais la comparaison avec ce que j'ai entendu au Sénégal, ou pire encore avec la peur qui règne à tous moments sur le Togo, il apparait que ces jeunes ont une liberté publique dans leur expression que leurs envieraient bien des peuples africains.

 

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Donc, jusqu'à Kita, arrivée 16h, tout va pour le mieux.
C'est là qu'une autre aventure commence, la loco ancestrale refusant de nous mener plus loin. Pas d'infos. Pas d'excuses. J'apprends par l'ingénieur camerounais qu'une autre loco est en route depuis Bamako (à 200 Kms) pour venir nous dépanner. Le temps s'éternise jusqu'à la nuit noire, puis chacun s'installe comme il peut, affalé sur le quai poussiéreux, posé entre les fauteuils désertés, ou plié en quatre sur son siège pour dormir en prenant son mal en patience...
A minuit environ, il semblerait que le train soit prêt à repartir dans l'indifférence quasi générale. Je n'imagine même pas quelles seraient les réactions des français si telle aventure leur arrivait. D'ailleurs le seul qui se soit un peu élevé contre son sort est un malien de 30 ans exilé depuis dix ans et qui crie à qui veut l'entendre qu'en France la SNCF c'est la perfection même, que personne n'accepte de se faire traiter come ça, etc.etc. Apparemment ce qu'il dit ne touche personne et chacun lui conseille de se calmer et d'éviter de dépenser inutilement son énergie.

Quelques heures de route où le sommeil gagne, je me lève pour me dérouiller les jambes et engage une discussion animée avec le controleur, qui ne manque pas au bout d'un moment de me proposer la bagatelle, lui aussi séduit par mon "intelligence". Je retourne donc à ma place et me rendort.
5 heures du matin. Nouvel arrêt en rase campagne, les musulmans descendent pour prier, les autres pour se soulager et cueillir sur les arbres de petites branches faisant office de brosses à dents. Il parait qu'on est cette fois en panne de freins. Il faudra donc qu'une troisième loco vienne à son tour de Bamako (il reste à couvrir 80 KMS environ).
Cette fois la révolte gronde, fomentée par les étudiants qui veulent pétitionner contre la compagnie, le gouvernement, la "mentalité africaine", les vieux qui prennent les postes, la corruption des fonctionnaires, les intellectuels inconscients, et tout ce qui va mal dans le pays. Je ne peux pas leur donner complètement tort, mais puisqu'on me demande mon avis, j'incrimine plutôt le mépris de la compagnie privée (et qu'elle soit africaine ou autre n'y change rien) qui n'utilise pas ses bénéfices pour investir dans du matériel fiable et rénové mais pour s'enrichir sans vergogne.

Les vieux lions laissent crier les jeunes coqs, et lorsque le convoi repart enfin vers 9 heures, le chef de train passe dans les rangs des insurgés pour présenter ses excuses et calmer leurs ardeurs révolutionnaires. Bel exemple de diplomatie et de savoir faire "à l'ancienne" où chacun finit par taper sur l'épaule de l'autre, sourire retrouvé et moral en hausse au fil des derniers kilomètres.

La dernière étape nous offre un ciel d'encre et une pluie diluvienne qui attriste encore l'entrée de la ville, mosaïquée de sacs et bidons plastiques, de carcasses d'auto, de maisons de carton bâché, désespérance infinie de la misère sous toutes les latitudes.

Le train nous lâche dans une gare majestueuse de style "1900", et je me pose à l'hôtel-buffet de cette même gare pour un vendredi de grisaille à Bamako.
Je pense bien revenir un jour au Mali pour goûter toutes les belles choses que ce pays sait offrir. Mais cette traversée ferroviaire, quels qu'en aient été les aléas, me comble de joie, je n'ai pas peur de le dire avec enthousiasme.

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6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 18:12


Autant dire tout de suite que ce voyage, en dépit des milliers de difficultés et de la fatigue rencontrées est d'ores et déjà un enchantement. De plus, le voyage en train dont je rêvais depuis si longtemps est là, à portée de ma bourse plutôt modeste (7000 frs pour faire 500 KMS).
Le mercredi je suis restée à Kayes, sous un soleil revenu de son exil et qui tapait dur, très dur même. J'ai parcouru la ville à la recherche d'un cyber en me faisant la réflexion que le taxi brousse et le cyber centre sont d'excellents moyens de découvrir la vie africaine au rythme de la réalité d'ici, vu le temps qu'on passe à attendre et se faire ballader dans les uns et à parcourir une ville en tout sens pour chercher les autres !
Ce qui est frappant, en revanche, c'est la vitesse à laquelle le téléphone mobile s'est répandu dans toute l'Afrique! Il y a du réseau à peu près partout et des antennes conséquentes sont maintenant plantées dans les brousses les plus reculées.
Quant à "Orange", au Sénégal comme au Mali, il vous souhaite la "bienvenue" et la "bonne route" sur d'immenses panneaux à l'entrée et à la sortie du moindre hameau de 3 cases. Et pour la télévision, on aperçoit des antennes en des lieux où l'électricité semble pourtant n'être pas encore arrivée !

Je finis donc par trouver un cyber à Kayes après avoir arpenté un bonne moitié de la ville. Je traverse le grand marché où, curieusement personne ne m'aborde ou ne me tire la manche pour me faire acheter ci ou ça. Seuls les petits enfants, qui m'appellent "toubabou", viennent me serrer la main avec des sourires en coin, plus ou moins rassurés.
Je remarque aussi un fait dont je ne peux faire une généralité sur une si courte escale, c'est que les jeunes hommes, si prompts à se chercher une "maman" pour les emmener en France lorsqu'on les rencontre au Sénégal et au Togo, sont ici discrets et respectueux.
Je dois dire par contre qu'en dépit de mon âge, je me suis fait draguer de façon très appuyée, même en annonçant que j'étais déjà mariée et grand-mère, pour avoir la paix, par des quarantenaires enjôleurs qui disaient se sentir séduits par mon intelligence et ma conversation. Ben voyons!
Au dernier de ces messieurs, un prof très intéressant par ailleurs tant qu'on s'en tenait à des généralités, je me suis permis de répondre, façon "cousin à plaisanterie" (ici, c'est autorisé, d'après ce que j'ai pu comprendre) que si les maliens tenaient tant que cela à des conversations intello avec des "femmes de têtes", ils n'avaient qu'à envoyer leurs filles à l'école et leurs femmes au travail!

 

P1000997 

 

Mais revenons à Kayes et à son train de rêves que je me suis fabriqués notamment en voyant un jour le film "je chanterai pour toi" (je n'ai plus le nom du réalisateur en tête) tourné à Kayes sur la vie du chanteur Boubakar Traoré, l'enfant du pays, que j'adore. Je m'étais toujours promis que je viendrai un jour ici, pour retrouver cette émotion, et que je prendrai ce train qu'il emprunte aussi dans le film.


Le fleuve Sénégal accompagne paresseusement la ville, traversant l'ancien quartier colonial où de belles villas sont encore visibles, comme d'ailleurs aux abords de la gare.
On me dit que le train part demain à 7h15. Je m'émerveille de cette précision, sans toutefois y croire plus que cela, et je file me coucher dans une chaleur écrasante qu'un ventilo poussif n'arrive pas à dissiper.

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 13:24

Tambacounda, 6 heures du matin, la gare routière ressemble à ce que j'ai connu au Togo. Nous sommes au fin fond du Sénégal, et il semblerait que le relatif développement se soit arrêté à la côte et aux lieux touristiques.

Sauf qu'au Togo, il n'y a pas d'enfants Talibés. Ils viennent chanter, en t-shirts couleur de peau, contre les vitres du taxi des hymnes à la gloire d'Allah (vu le nombre de fois que le nom revient) avec des jolies voix et des yeux tristes d'enfants abandonnés qui vous fendent le coeur, mais donner une pièce serait source de bagarre ou d'assaut incontrolable, sans compter l'encouragement à ce système d'exploitation enfantines des plus honteux.

Rien que pour les talibés et les petites filles excisées on voudrait qu'il y ait un paradis d'Allah !


Je suis souvent tentée de me demander ce que je fais là au milieu des ordures, des mouches, de l'attente interminable et de tout ce que n'importe qui peut avoir de mal à supporter (encore que ce ne soit pour moi qu'un moment très  provisoire)

Je me dis que d'une part il y a aussi tellement de beauté dans cette pauvre Afrique: sous les ordures et les haillons, un jardin d'Eden, et des gens nobles et généreux. Et puis, il y a la leçon qu'on se doit à soi même. Des milliards de gens vivent ainsi, et moi je refuserais de le connaitre , de l'éprouver? ça ne sert évidemment à rien, mais ce serait un manque de courage, un refus du réel... alors j'attends, je supporte et je souffre parfois, pour si peu de temps !


Entre Tamba et la frontière malienne tout se passe bien, les formalités sont même étonnamment rapides compte tenu du fait que je n'avais pas de visa. L'arrivée au Mali fait sentir cependant une certaine différence avec l'organisation sénégalaise. A Diboli, j'attends 2 ou 3 heures que le "7 places" se remplisse, et ô surprise, nous ne sommes pas 7 voyageurs mais 9, plus une quantité invraisemblable de bagages, dont une grande bouteille de propane pour couronner le toit. Il faut sérieusement se tasser et le chauffeur fait preuve de ce mépris souverain et de cette hargne sans frontières qui est l'apanage des taximen que j'ai souvent rencontrés au cours de mes précédents voyages.

La chaleur est cette fois à la limite du supportable, tout le monde ruisselle, le moteur tourne en parmanence, même lors de nos arrêts car il est clair que le taxi ne peut redémarrer sans y être invité par une douzaine de bras  costauds.
A mi-chemin nous débarquons deux passagers et plusieurs sacs de 50 kgs qui pesaient sur le toit du véhicule. On se dit que le reste du voyage se fera à tire-d'aile!
Mais voilà, nous avons quitté la verdoyante forêt sénégalaise, et au fur et à mesure que nous filons vers Kayes, se fait sentir le Sahel, et la rudesse climatique d'une terre nettement moins riante.

Le ciel se couvre peu à peu, puis brusquement s'assombrit de rouge ocré. Je pense que la pluie va rafraichir l'atmosphère, mais c'est un vent de sable qui déferle sur nous. Il fait nuit en plein jour. Pour moi qui n'ai jamais vu ce phénomène je dois dire que c'est très impressionnant : le ciel et la terre se confondent dans une couleur impossible à imaginer, un orange de feu qui tempête sèchement et infiltre partout ce sable venu de Mauritanie.
les vitres du 7 places ne ferment qu'approximativement, et les cheveux, les vêtements, la peau des gars devant moi (j'ai encore hérité de la place du fond, sans vitre mobile) deviennent très vite couleur de poussière. Le taxi s'enfonce dans un tunnel de nuit soufrée, puis s'arrête, ne sachant plus où est la route.

 

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Cet épisode dure de 30 à 40 minutes, pendant lesquelles le sable giffle les vitres d'une pluie qui crisse dans la bouche. Enfin arrive la vraie pluie mouillée, et le monde retrouve sa forme.


Me voici donc à Kayes, la poussiéreuse, la surchauffée, sous une pluie fine et froide qui a fait disparaitre l'idée même du désert que le Nord nous avait amenée !
je m'installe dans une petite chambre sommaire de l'auberge de jeunesse, bruyante et chaude, mais j'y dormirai  bien (avec mes bouchons d'oreille, indispensables pour tout voyageur au sommeil léger), après avoir toutefois repoussé au moins trois demandes en "mariage" !!

Bien que tout le monde, c'est à dire tous les maliens à qui j'ai parlé hier soir, m'en dissuadent, j'ai bien envie de tenter le train pour Bamako après demain. Un homme me dit "vous les européens, vous cherchez toujours à prendre des risques, on ne vous comprend pas". J'éclate de rire malgré moi. Le train ne peut pas être un plus grand danger que celui d'un taxi hors d'âge qui perd ses roues ! ou que tous les taxis, voitures ou motos, que j'ai pris depuis 9 ans... et je sais de quoi je parle depuis que, par jeu, j'avais conduit sur quelques kilomètres un taxi togolais. Une expérience aussi inoubliable que terrorrisante.

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 13:01

27 juin : Ziguinchor-Tambacounda quelques photos

Lever à 5h, arrivée à la gare routière à 6, il fait encore nuit mais une activité intense s'est déjà déployée. Je dois embarquer dans un "7 places" - taxi-brousse 505 Peugeot break -, évidemment j'hérite d'une place arrière (les plus serrées- dans le coffre !) avec deux jeunes femmes chargées d'enfants : peut être suis-je placée là à cause de mon faible volume ?, mais il y a tellement de bagages qu'en guise d'enfant je reprends mon sac à dos sur mes genoux
La première heure est la plus éprouvante, on ne sait ni comment mettre ses jambes ni comment ne pas se casser le dos. J'engage avec ma voisine un petit jeu sournois et sans paroles de protection de nos espaces respectifs, en poussant subtilement genou contre genou!... pas question de se laisser grignoter son minuscule territoire !

Au fil du temps il semblerait que les corps deviennent plus élastiques ou que le puzzle s'emboite mieux: effet de la chaleur ? Bref, je finis par somnoler une bonne heure sans éprouver ni crampes, ni gênes particulières. De temps en temps je remue à l'intérieur de mes chaussures pour vérifier que j'ai encore mes doigts de pied, et m'accorde 5 minutes de gymnastique musculaire "in situ" pour désamorcer toute espèce d'ankylose. Apparemment, ça marche.

Le taxi file à bonne allure sur des routes très plates, qui comptent leur lot de trous non rebouchés et de ruptures dans l'asphalte, mais rien de bien méchant. On se fait arrêter environ 18 fois par toute sorte de gendarmes, militaires et autres vérificateurs du trajet, chacun devant gagner sa vie à la sueur de son front, et si possible à la sueur du front des autres en leur procurant un emmerdement maximum, mais tout ça, c'est de la routine.


Le paysage liquide de Casamance fait place à une savane plus arborée, piquée de termitières et de villages de cases rondes couvrtes de chaume, et entourées de haies tressées. La saison des pluies récemment commencée a verdi le sol d'un velours tendre sur lequel paissent brebis, petits ânes et belles vaches blanches ou crème qui refont leur viande avec l'herbage revenu. Les agricuteurs s'activent dans ce qui ressemblera bientôt à des champs : brûlis, puis labours à l'aide de charrues plus ou moins rudimentaires, attelées ou pas, enfin, sarclage des parcelles déjà plantées.

le voyage se déroule silencieusement. J'apprends tout de même que la femme devant moi part au Niger avec son mari et un lot imposant de bagages. Le mari, seul homme du bord, à part le chauffeur, a eu droit à la place devant. La fille qui téléphone sans arrêt sur son portable et recompte ostensiblement de grosses liasses de billets est une togolaise qui retourne à Lomé chercher des marchandises (elle me donne quelques tuyaux qui s'avèreront assez peu fiables au sujet du meilleur parti pour se rendre au Togo), les autres vont au Mali.

Malgré le mauvais état des routes et la vétusté des moyens de transport, il ne faut pas croire que les africains restent sédentaires pour autant; si certains n'ont jamais quité leur village, beaucoup de gens voyagent, parfois très loin, et les circuits ne sont pas si mal organisés. Vu d'Europe ça semble un vaste chantier, pour rester polie, mais vu d'ici ça ne pose aucun problème, d'où ma relative placidité à ce sujet. Les voyages sont longs et parfois pleins d'imprévus mais simples et relativement sûrs pour voyager seule.

J'en suis là de mes réflexions quand des bruits inquiétants se font entendre sous nos fesses, c'est à dire celles des trois femmes et des deux gamins (plus mon sac) qui s'entassent à l'arrière, sur les roues. Le chauffeur, s'arrête, vérifie, repart, revérifie, mais le problème est manifeste et prend une ampleur insolente: le "tac-tac-tac" monte en puissance jusqu'à ce que le véhicule qui roulait (heureusement!) au ralenti depuis un kilomètre, SE RETROUVE SUR 3 ROUES ! La quatrième a pris la clef des champs vers le plus proche fossé en contrebas.


Terminus, tout le monde descend en pleine brousse.
Notre chauffeur fera 3 ou 4 allers-retours en compagnie d'un mécano dégotté au village de Velingara, tout proche. La réparation durera quand même presque 4 heures que nous passons à somnoler sous un  grand acacia, en nous partageant de maigres rations de nourriture et d'une bouteille d'eau à environ 37°, parfaite pour un bain de pieds, mais à peine buvable!
j'ai même la surprise en faisant ma sieste sous l'arbre, de recevoir sur le ventre une petite branche cassée par le vent sur laquelle est agrippé un beau caméléon roulé en boule que j'ai b'abord pris pour un fruit sauvage !

j'ai aussi le plaisir de découvrir à quelques dizaines de mètres deux arbres maginfiques et enlacée, d'espèce différente, que j'appelle "les jumeaux"

 

lesjumeaux1


Les mécanos finissent carrément par changer l'essieu de roues avec trois malheureux outils et un bout de tissu crasseux imbibé d'huile sensé servir ...de joint ?Nous r epartons à bonne allure jusqu'à Tamba après être passés alternativement de la piste rouge, pas si mal entretenue, à des tronçons de route fraichement bitumés qui ont fière allure, mais pour combien de temps ? Une saison de pluies aura forcément raison de cette belle surface.

J'arrive quand même épuisée à l'auberge réservée la veille au soir. Je me précipite dans la première gargotte venue pour m'abreuver d'une gigantesque Flag, et d'un plat de viande absolument délicieux qui s'avère être du phacochère de contrebande (l'espèce est protégée); mieux valait ne pas le savoir avant, j'ai honte de dire que je ne regrette pas ce festin, à la suite duquel je m'écroule, repue et douchée comme il se doit.

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 12:49

26 juin - album Effran

je disais il y a quelques jours que le paradis n'existait pas mais, dans notre imaginaire, peut être ressemblerait-il à l'île d'Effram. On y accède en pirogue à 5 heures du soir, après avoir passé Mlong et ses gigantesques fromagers, et le petit port d'Elinkine, conduits par Mamadou, dont cette île est le "bébé" chéri.

Sans eau douce et sans électricité, mais aménagée comme un jardin, c'est à dire qu'un homme a simplement mis en valeur, débroussaillé, et revivifié ce jardin naturel que constitue la nature en Afrique. Au bord du fleuve quelques cases nous attendent pour dormir où tout est construit en bois de palétuviers et feuilles ou tiges de rônier tressées, et d'un gout parfait, peut être parce que c'est juste ce que les hommes ont inventé dans le passé pour magnifier leur quotidien, et rendre belles les choses les plus ordinaires.

Le soir les jeunes vont pêcher du poisson avec ce petit filet rond qu'on appelle épervier et qu'ils jettent sur l'eau plate avec des grâces de ballerine. Ils ramènent un beau thiof, et de la friture qui laisse sur mes doigts un peu d'argent pur que révèle la lune montante.

Après un repas de canard grillé, les garçons et Mamadou se mettent à la musique: chants nostalgiques et doux en Diolla, accompagnés de trois djembés et d'une guitare traditionnelle qu'ils appellent "ékontine". Ai-je dit que la lune est parfaitement pleine, sur un fond moutonneux de petits nuages ronds qui lui accordent un pas de danse... je me laisse même aller moi aussi, dans l'harmonie générale du moment et du lieu, à l'accompagner de mes pieds maladroits sur la plage inondée de lumière pâle.

 

effrannuit1

Le lendemain matin, réveil d'oiseaux multicolores et multisonores qui me fait tomber du lit vers 6 heures. Nous irons encore faire promenade en pirogue jusqu'à Katchouane (aucune orthographe n'est garantie) avant le déjeuner de poisson et l'immuable dégustation de thé noir et sucré pour aider au retour.

Demain je quitte la Casamance, mais j'enjoins fortement tous ceux qui me lisent à ne pas venir au Sénégal sans y passer quelques jours. On a mis beaucoup en avant les troubles sporadiques qui agitent les séparatistes de la région (et qui sont réels) mais le danger est bien moins grand qu'il est dit souvent, en tout cas mes amis qui y vivent la moitié de l'année depuis presque 20 ans n'ont pas lieu de s'en plaindre.

Et ici comme au nord, la "Teranga" (hospitalité) sénégalaise n'est pas un mythe !

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26 juin 2010 6 26 /06 /juin /2010 12:23

lent miroir du fleuve
veiné des chemins d'éclairs
que les algues rêvent

rives de métal
où s'inversent les échos
de nos voix de fête

 

djilapao06

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26 juin 2010 6 26 /06 /juin /2010 12:20

vendredi, jour de pluie, non pas l'orage tropical mais la grisaille continue d'un crachin quasi breton. Un peu de fraicheur glisse sur le matin, le temps s'étire nonchalamment entre la grande prière des muezzins et la reprise progressive des activités que la pluie a ralenti.
Ma tentative d'écriture au cyber centre a été stoppée net par la panne électrique qui accompagne le temps chargé d'humidité.


Dans la maison la fraicheur n'entre guère; la sieste dure et vient presque buter sur la tombée du jour.
Demain nous retournerons sur le grand fleuve et dormirons sur l'île d'Effram. Ce sera pleine lune, ou bien encore ciel de mousson. Verrons nous les étoiles ?
Je me réjouis de cette conclusion d'un séjour en tout point réussi où se sont succédés rencontres et paysages, réalités sociales et rêveries aquatiques. Lundi je prendrai la route pour Tambacounda, à l'Est du Sénégal où je ne sais ce qui m'attend. Il y aura encore une semaine de traversée sur l'océan des Savanes et je retrouverai les amis du Togo qui sont chers à mon coeur.


Le soir, revenue la chaleur, nous déhambulons dans les rues transformées en canyons par des saisons de pluies successives. Les moustiques pullulent autour des flaques.
Arrêt sous les manguiers pour boire le thé aec un groupe d'artistes qui organisent chaque année un Festival des Arts pour les enfants du quartier, et accessoirement se faire connaitre, et reconnaitre, auprès des touristes de passage à Ziguinchor (assez nombreux semble-t-il). Plasticiens, musiciens, chanteurs, sculpteurs, théâtreux, chacun parle de son art.. le soir est fort et doux, comme le thé, c'est cela qu'on aime ici. Recevoir autant et bien plus qu'on croit, ou qu'on prétend donner.
La pleine lune en halo fait un bout de conduite à notre marche silencieuse de retour, traversée de cris d'enfants, puis habitée pour la nuit d'une fête voisine qui mêle les chanteurs, la kora et les djembés.

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26 juin 2010 6 26 /06 /juin /2010 11:20

Vers Djilapao

cliquer sur le lien pour avoir d'autres photos

Départ enpirogue vers 9 heures du matin sur le Fleuve Casamance.
Il a plu cette nuit (un bon orage qui a rafraichi l'atmosphère), le ciel est encore chargé de nuages et d'eau grise, où malgré tout je retrouve l'odeur de feuilles chauffées du premier jour.


Le guide piroguier connait les oiseaux et l'essence des arbres, paletuviers de la mangrose où nichent aigrettes, courlis, martin-pêcheurs au plumage zébré, spatules et hérons, cormorans et mouettes, cousins de nos espèces bretonnes, aigles pêcheurs en bandes impressionnantes, flamands roses ourlant la bordure des vasiers, pélicans, perruches au bec étonnamment pointu, et même quelques cigognes ou ibis lourdauds égarés sur la lagune.
Plénitude du silence retrouvé quand le moteur s'arrête pour laisser apprécier, ou photographier (trop difficile), ces multitudes d'oiseaux.

 

ziguinchor9

 

à la sortie de Ziguinchor la carcasse d'un bateau émerge du fleuve. Il s'agit d'un navire gambien qui transportait des clandestins sénégalais vers les Canaries et qui a été arraisonné puis coulé ici en Casamance. Les autorités laissent pourrir l'épave couchée "à titre d'exemple", nous dit le guide, pour décourager les candidats potentiels. Encore ce batiment paraissait-il en état de naviguer en haute mer (sans qu'on sache combien il avait embarqué de volontaires), mais ce sont quelquefois de simples pirogues qui s'aventurent le long des côtes pour la "grande traversée"...



la case de Jean : un monument d'art brut

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le village minuscule de Djilapao est un "finistère" sans eau douce, marqué par la majesté des baobabs, rôniers, flamboyants ou acacias. Les rizières en carré (non encore ensemencées), où se roulent d'étranges cochons au pelage roux, entourent quelques cases couvertes de feuilles et de joncs.
Une habitation attire tout particulièrement l'attention: celle d'un artiste de la "sculpture sur banco" (mélange de terres séchées des constructions traditionnelles en Afrique), Monsieur Jean, qui a entièrement modelé de ses mains des scènes villageoises, animaux, personnages, élements de la brousse couvrant les murs de la grande case à un étage, et rehaussés de couleurs vives.
Les gens du village entretiennent ce patrimoine d'art naïf, et font payer 500FCFA aux visiteurs potentiels de cet ensemble bien conservé. Une découverte!
Ainsi passe le jour, paisible et enchanté, sous un grand toit de chaume ouvert au bord du fleuve. Seule incongruité du paysage : chaque petit "bolon"(anse ou bras de rivière), est habité de grands voiliers. Les "toubabs" viennent mettre ici à l'abri des regards (et des taxes portuaires) leurs bateaux de plaisance ! Je ne sais pas si cela rapporte quoi que ce soit au village où, du reste, il n'y a rien à dépenser, mais il est sûr que les possesseurs de tels bateaux ne sont pas des "pauvres".

 

jean08

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26 juin 2010 6 26 /06 /juin /2010 11:08

Foot toujours

 
Inutile de commenter les déboires prévisibles du foot français en déroute, mais à tout moment, les sénégalais (supporters) m'interpellent dans la rue: "et avec la France, y'a quoi?" J'ai envie de répondre: le foot ce n'est rien, si vous voyiez le reste !
Des perdants il en faut, ce n'est pas grave ! mais le reste : arrogance et luxe vulgaire,  déficit de l'âme, indigence de la pensée et de l'imagination, caricature politique, solidarité clouée au pilori de la bêtise et de la corruption, c'est cela qui fait peur, non pas que notre image "franco-française" en sorte écornée, mais que nous n'ayons plus, dans ce pays, la capacité d'être autre chose que cette image-là !
Sans compter les "reprises en main", plus inquiétantes encore, que tant de faiblesses peuvent annoncer.


Allez les africains! réveillez-vous, votre rêve de paradis occidental part en déconfiture, si ce n'est en vomissure...
Et d'ailleurs, le paradis ça n'existe même pas !
(au fait... Italie et France, mêmes bouffons, même combat !


au dispensaire

 

Avec l'amie qui m'accueille, j'assiste à une séance de consultation qu'elle donne au dispensaire du quartier.

Bébés fiévreux ou dénutris,  planning familial, ou maux de ventre sont au menu, comme chaque jour.


Une fille de 16 ans (elle semble tooute petite; a-t-elle vraiment 16 ans ?), enveloppée de la tête au pied dans un long voile noir, vient consulter avec une amie qui traduit questions et réponses. La petite est mariée depuis 5 mois, et souffre de dysménorrhée. L'infirmier parvient à lui faire dire que les rapports sexuels aussi sont douloureux. Il prescrit une ordonnance et conseille une consultation gynécologique si les problèmes persistent.

Elle répond difficilement aux questions et ne se rappelle pas avoir été excisée. Seul un examen peut révéler l'origine des problèmes... le fera-t-elle ? Geneviève me dit, "si ça se trouve elle a été "cousue" en même temps qu'excisée toute petite, et ne sait rien de son corps, de ce qu'elle a ou non subi, et de ce que son mari a forcé la nuit de noces !"
On ne peut pas dire... Il peut s'agir de tout autre chose, mais l'air effrayé et triste de cette gamine me touche profondément.

Comme chaque fois qu'on est confronté à un sentiment d'horreur et de pitié face au mal que subissent les enfants, et tout particulièrement les petites filles.

 


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  • : Chroniques, poésies, photos, créations pour illustrer mes voyages, mes rencontres avec les humains solidaires, avec l'Art et les cultures, ici et partout ailleurs. Livres parus à ce jour : "lettres d'Anisara aux enfants du Togo" (Harmattan), "Villes d'Afrique" et "Voyager entre les lignes" (Ed. Le Chien du Vent)
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